Samedi 23 mai 2009, dans l’avion pour le Chili, quelque part au dessus de l’Argentine
Grâce à notre petit tour d’Argentine, nous avons pu voir comment les salles de cinéma se portent dans le pays, en dehors du grand centre culturel qu’est Buenos Aires. Pour la plupart des portenos que nous avons rencontrés, le cinéma en Argentine, ça se passe à Buenos, et point ! La province devant se contenter des multiplexes implantés dans les shoppings des grandes zones urbaines …
Cependant, lors de notre voyage à travers le pays, nous avons (heureusement !) découvert des salles très intéressantes, qui nous ont permis de nuancer cette première idée qu’on nous avait mise en tête.
La salle la plus significative à cet égard est sûrement le cinéma Hugo del Carril, le ciné-club municipal de Cordoba. Ouvert en mars 2001 suite à un appel à projet de la municipalité, il propose aux Cordobés une offre de films alternatifs, hors des circuits commerciaux. Depuis 9 ans, il n’a cessé de se développer au point d’être devenu aujourd’hui un véritable centre culturel, croisement entre une cinémathèque, une salle d’art & essai et un théâtre. Son objectif premier reste cependant la défense du cinéma argentin et international non commercial. Sa programmation est construite autour de cycles (de Chaplin aux nouveau cinéma argentin, en passant par Kubrick ou Tarantino) et chaque semaine, il propose généralement deux films en première exclusivité (souvent des films argentins non commerciaux ou des films européens). Mais la réputation de ce cinéma s’est aussi construite autour de sa bibliothèque-médiathèque, qui, forte de ses 7.000 archives, est une des plus riches du pays, dans son domaine.
Quand l’équipe du cinéma Hugo del Carril (exclusivement des cinéphiles avertis !) ne s’adonne pas à la défense du cinéma non commercial, elle organise des concerts (tous les lundis) ou des pièces de théâtre (tous les mardis). Ils ont d’ailleurs créé une pièce, adaptée de Fahrenheit 451 de Truffaut, qui a été donnée pendant un mois deux fois par jour avec grand succès, et ils travaillent actuellement sur une pièce sur Chaplin.
Grâce à toutes les actions mises en place par son équipe dynamique, le cinéma Hugo del Carril attire aujourd’hui un public nombreux et fidèle, et chose plus rare pour les cinémas d’art & essai : jeune !! En effet, 70% de son public a moins de 30 ans. Bref, une salle pleine de bonnes surprises et de grandes idées !!
Notre autre grande surprise pendant notre voyage dans le nord argentin a été la salle de cinéma de Humahuaca. Après une semaine passée dans la région, après Salta, Jujuy, les grandes villes du nord, où deux cinémas d’art et essai, actifs depuis plus de 30 ans viennent de fermer leurs portes faute de public (monopolisé par les multiplexes voisins), nous ne nous attendions pas (mais alors vraiment pas !) à trouver une salle de cinéma dans cette petite ville d’une dizaine de milliers d’habitants, connue pour ses récifs montagneux colorés. Et pourtant, le centre culturel de la ville, la Casa del Tantanakuy, ouvert en 2000, a sa propre salle de cinéma depuis 2002, le Cine Tantanakuy. La programmation de cette salle est établie en priorité pour les enfants, et se promène à travers la région grâce à la mise en place en parallèle d’un cinéma itinérant. Peu de risques de voir un blockbuster projeté dans cette petite salle de moins de 100 places. L’objectif de ce cinéma à petit budget est de faire connaître aux enfants de la région la projection sur grand écran et de stimuler leur créativité à travers des ateliers de production de courts-métrages de fiction, d’animation ou de documentaires, en toute modestie, bien sûr !
Mais toutes les villes que nous avons traversées n’ont pas été sources d’aussi bonnes surprises. Les salles de cinéma de Bariloche (sorte de Mégève argentin), par exemple, ressemblent à s’y méprendre aux salles de cinéma des stations de ski françaises. Sûrement actives en pleine saison, mais fonctionnant au ralenti le reste du temps … A Salta, nous avons rencontré le directeur du Ciné-Théâtre Opera, qui a dû recentrer l’activité de son espace sur le théâtre et les concerts, faute de public pour les projections cinématographiques. Si le Ciné-Théâtre Opera est devenu un théâtre, les autres vieux cinémas de Salta ont eu des destins moins enviables, transformés au choix en cinéma porno ou église évangélique !
Seule alternative alors aux multiplexes : les Espacio INCAA (CNC Argentin), une spécificité argentine sur laquelle nous vous en dirons plus très bientôt ! En attendant l’exploration continue …